I- Une pédagogie de médiation en activité motrice

A  UNE NOUVELLE CONCEPTION DE L'ÉCOLE MATERNELLE

Si nous nous penchons sur les textes concernant l'école maternelle, de 1881 aux dernières grandes directives du programme de 19958, nous constatons une évolution manifeste du statut de l'enfant: d'un enfant‑objet il devient un enfant‑élève. De plus, le rapport annexé à la loi d'Orientation du 10 juillet 1989 est venu conforter l'existence de l'école maternelle, tout en réaffirmant son rôle essentiel dans le développement du langage, l'acquisition d'habiletés et la socialisation de l'enfant.

1  Apport de la loi d'Orientation

L'organisation de la scolarité en trois cycles permet une continuité pédagogique et une plus grande souplesse dans les apprentissages.

Chaque cycle présente une double finalité d'une part, les enfants doivent acquérir les compétences spécifiques du cycle afin de suivre le cycle suivant, et d'autre part ils doivent les stabiliser les enrichir afin de pouvoir s’approprier les connaissances du niveau supérieur. Les objectifs de fin de cycle sont indiqués en termes de compétences à atteindre:

‑les compétences qui recouvrent à la fois des savoirs et des méthodes propres à chacun des grands domaines;

‑ les compétences transversales relatives aux attitudes de l'élève, à la construction des concepts fondamentaux d'espace et de temps, aux méthodes de travail, au traitement de l'information ;

‑les compétences dans le domaine de la langue parlée et écrite qui conditionnent l'ensemble des apprentissages.

Ces nouvelles dispositions ont pour ambition de conduire l'élève vers la construction de ses savoirs propres et vers l'élaboration de sa personnalité. D e même, elles ont pour objectif d'amener les enseignants à évoluer dans leur rôle, dans leurs pratiques pédagogiques, afin de passer d'un enseignement dit de transmission, à un enseignement dit de transaction. Mettre l'enfant au centre du système éducatif implique non seulement de connaître les différentes disciplines mais aussi les processus d'acquisition des connaissances.

2  Analyse du programme de l'école maternelle

De la lecture du programme de l'école maternelle, qui est inclus dans les programmes de l'école primaire, émergent des idées‑forces.

L'enfant‑élève est acteur de son développement (prise de conscience, responsabilité).

L'école maternelle est une école à part entière elle est un lieu « d'expériences riches et diverses» et d'apprentissages structurés et non systématiques où l'enfant est un élève. II agit et s’exprime par différents moyens de communication, il est capable de réfléchir sur une situa­tion, de raisonner. Il apprend à penser. Il acquiert des compétences qu'il évalue et prend conscience de leurs effets.

On passe d'un enseignement par disciplines à un enseignement centré sur l'enfant. Les domaines d'activité remplacent les disciplines, mais ces dernières restent une référence pour l'enseignant. Les différents domaines sont com­plémentaires.

Le langage est l'instrument primordial à tout apprentissage. il tient une place capitale, il est la clé de la réussite scolaire de l'élève et, «par voie de conséquence, de son insertion sociale et professionnelle future».

L'action est un élément essentiel de son développement. L'enfant agit dans le monde physique et humain.«Il apprend à mettre enjeu son corps tout entier, à mobiliser telle ou telle de ses fonctions. Il acquiert des compétences sensorielles et motrices qui étendent toujours plus le champ de ses expériences»

L'enseignant devient un médiateur. C'est un professionnel qui rend possible la relation qui s'instaure entre l'élève et le savoir, qui s'interpose entre l'enfant et le monde pour lui donner du sens. Il est le catalyseur qui permet à l'élève d'être actif dans ses apprentissages, «qui provoque et canalise l'activité mentale et la verbalisation de celle-ci» en le guidant pour qu'il prenne conscience de ce qui se passe dans sa tête, qu'il puisse tirer parti des informations contenues dans n'importe quelle situation.

L'école maternelle, école pour apprendre dotée d'un programme, constitue la base du système éducatif. Le programme en application depuis 1995 montre clairement que l'Institution impulse de nouvelles finalités. L'enfant est aujourd'hui appréhendé différemment, il est au centre du système éducatif, et renseignant doit rénover ses pratiques. Ce n'est plus l'ensei­gnement d e disciplines qui prime, mais bien la construction de l'enfant à travers l'enseignement des différents domaines d'activités.

Nous savons pertinemment qu'il n'existe pas qu'une seule démarche pédagogique permet­tant d'exploiter et d'enrichir toutes les ressources de l'enfant, ressources souvent insoupçonnées. Aussi, nous proposons à l'enseignant un domaine conceptuel sur lequel il pourra s'appuyer pour optimiser les apprentissages; notre souci principal étant, dès ll'école mater­nelle, de guider l'enfant vers le développement et l'utilisation de ses potentialités cognitives pour«une conquête active de la culture ».

B  LE DOMAINE CONCEPTUEL DE LA PÉDAGOGIE DE MÉDIATION

Si nous observons des enfants jouant au ballon, grimpant, patinant, faisant du vélo, eu., nous constatons qu'ils construisent leur savoir grâce aux différentes expériences qu'ils vivent à travers leurs jeux. Ils apprennent sans enseignement systématique, en s'appuyant sur leurs aptitudes du moment. Ils expérimentent, et par empirisme ils perfection­nent leurs fonctions motrices et mentales.

Dès l'école maternelle, nous devons entraîner l'enfant « à se doter d'instruments essentiels a u travail de l'intelligence».'S Aussi l'enseignant est-il amené à gérer deux types d'objectifs à partir d’une même tâche motrice : acquisition d'un savoir-faire moteur et développement du sujet (cognitif et attitude). Cela demande de sa part une analyse approfondie des situa­tions d'apprentissage (leur signification, leur intention, leur consigne, leur explicitation) et de ses interventions de médiateur.

L'originalité de l'école que propose Lev S. Vygotsky apparaît dans l'aide par la médiation d'autrui (maître, camarades) que l'on apporte à un enfant afin qu'il s'approprie les connaissances nécessaires à sa formation et à son épanouissement. L'ensei­gnant intervient dans toutes les situations d'apprentissage et invite l'enfant à comprendre le mécanisme de cet apprentissage en s'adressant à toutes ses capacités.

1  La théorie de Lev Semenovich Vygotsky

Lev S. Vygotsky  a étudié le développement cognitif des enfants. Ses travaux ont mis en  évidence des notions fondamentales, ayant de nombreuses implications pédagogiques.

a-  Le lien entre apprentissage et développement

Lev S.Vygotsky s'oppose aux théories affirmant que le développement précède l'apprentissage (selon jean Piaget l'enfant ne peut pas apprendre s'il n'a pas atteint un certain stade de déve­loppement), que les deux processus se confon­dent (William James) où qu'ils s'influencent mutuellement (Kurt Koffka).

Selon sa théorie, développement et apprentissage sont conçus comme deux processus interactifs:«l'apprentissage ne coïncide pas avec le développement mais active le développement mental de l'enfant en réveillant les processus évolutifs qui ne pourraient être éveillés sans lui.» La communication, la collaboration avec l'adulte et les camarades sont d'une importance capitale pour le développement intellectuel de l'enfant.

Par conséquent, en classe, la coopération entre l'enseignant et l'enfant joue un rôle de premier plan. L'apprentissage exige un processus actif et doit dépasser la simple présentation magistrale. La médiation, ou l'apprentissage médiatisé, favorisera l'émergence de toute une série d'opérations mentales nouvelles chez l'enfant. L'apprentissage joue un rôle essentiel, il est la source du développement, la source «du nouveau».

b- La notion de zone de proche développement

Pour Lev S. Vygotsky,« l'apprentissage n'est valable que s'il devance le développement. Il suscite alors, fait naître, toute une série de fonctions qui se trouvent au stade de la matu­ration, qui sont dans la zone de proche déve­loppement».

Cette zone représente les potentialités de déve­loppement que possède chaque enfant. Lev S. Vygotsky différencie d'une part, le niveau d e développement actuel (niveau atteint par l'enfant quand il agit seul)et d'autre part, le niveau de proche développement (niveau atteint quand il est guidé par autrui).

L'enseignant‑médiateur doit donc œuvrer dans cette zone afin de faire progresser l'enfant au maximum de ses possibilités, de lui permettre de passer de ce qu’il sait faire à ce qu'il ne sait pas faire c'est-à-dire d'apprendre des choses nouvelles, de le conduire vers son meilleur niveau intellectuel en s'appuyant« non pas tant sur les fonctions déjà venues à maturité que sur celles en maturation ».

c-  La prise de conscience

II n'y a apprentissage que s'il y a prise de conscience. C'est par le langage, et en parti­culier le langage écrit," que l'enfant prend conscience de ce qu'il fait et par conséquent utilise ses propres savoir-faire.

Ces différentes notions impliquent une pédagogie tripolaire (enfant, adulte, environnement) où le langage joue un rôle prépondérant, si ce n'est crucial, dans le développement des connaissances.

Le langage permet à l'enfant d’échanger, de dialoguer, avec les autres (enseignant, camarades, parents, etc.). Ces interactions avec autrui sont capitales, elles lui permettent d'acquérir les outils nécessaires à son développement. Ce langage qui est d'abord un moyen de communication se transformera en langage intérieur, devenant mode de pensée fondamental chez l'enfant.

2  L'apprentissage chez Jérôme Seymour Bruner

Jérôme S. Bruner, s'est inspiré de la conception théorique de Lev S.Vygotsky et la conforte.

a-  L'apprentissage actif

Jérôme S. Bruner insiste sur le fait que l'enfant doit participer activement à son apprentissage et ne plus être simplement le réceptacle passif des connaissances qu'on lui transmet.

Dans Le savoir en construction," Britt‑Mari Barth explicite la théorie de Jérôme S. Bruner: «l'enfant construit son savoir par l'interaction sociale et le langage devient l'outille plus important car pour comprendre, il faut négocier le sens. L'apprentissage est vu comme une tran­saction, un échange entre l'apprenant et un membre de sa culture plus expérimenté que lui. » L'apprentissage se situe dans un contexte culturel, où l'enfant est pris en compte dans sa globalité, dans ses dimensions cognitives, affectives, physiques et sociales.

b- Les trois modes de représentation de l'apprentissage

Dans l'apprentissage de l'abstraction Britt Mari Barth précise les trois modes de représentation selon Jérôme S. Bruner:

‑le mode « enactif» ou sensori‑moteur, où connaître c'est d'abord agir. La représentation d'un tel apprentissage est inscrite dans nos muscles. Certains apprentissages s'arrêtent là et restent à ce niveau ;

‑le mode iconique ou visuel, où l'action est transformée en opérations mentales. Il s'agit de pouvoir se représenter quelque chose sans l'avoir devant les yeux. La connaissance se fait par la manipulation d'opérations, de représentations ;

‑le mode symbolique permet l’acquisition des connaissances par la représentation mentale. L'enfant est capable de dire ce qu'il a fait, ce qu'il fait, ce qu'il pense faire en utilisant des mots ou des codes.

Ces modes d'acquisition sont importants. En prenant pour exemple l'apprentissage des conduites motrices, ils peuvent évoluer à travers ces trois systèmes :les actions, les opérations ou les schémas des actions, l'explicitation verbale ou codée (écrite) des symboles.

Que ce soit Lev S. Vygotsky ou Jérôme S. Bruner, tous deux considèrent la médiation de l'enseignant, et donc le langage qui en est l'outil principal, comme essentielle.

C  L'ACTIVITÉ MOTRICE OU L'ÉDUCATION PHYSIQUE

Dans le programme de l'école maternelle, les enseignements sont structurés en cinq domaines d'activité :

1. vivre ensemble ;

2. apprendre à parler et à construire son langage, s'initier à l'écrit ;

3. agir dans le monde;

4 découvrir le monde;

5. imaginer, sentir, créer.

L'activité motrice est annoncée principalement dans le domaine «agir dans le monde»:l'enfant est amené à explorer, à adapter, à ajuster ses conduites motrices. En outre, l'adulte doit lui permettre « d'apprendre à se représenter les actions dans lesquelles il est engagé, à en prévoir les résultats et donc à les conduire » Il l’aide à comprendre ce qu'il fait, comment il le fait et l'entraîne à prendre conscience de ses processus de pensée. Ainsi l'enfant se constitue son histoire corporelle par les expériences réussies ou non, par ses peurs, ses craintes, ses joies. Il I'élabore individuellement et collectivement à maintes occasions et dans des milieux divers.

Ce vécu corporel est évolutif, contextualisé, affectif, culturel ; il laisse des traces dans la construction de la personne et influence les apprentissages ultérieurs. L'attitude de l'enfant, confronté à une situation nouvelle, dépendra de ses expériences passées. Le vécu a un impact posi­tif ou négatif sur l'01- de soi, sur la confiance en soi et il induit des a priori par rapport aux nou­veaux apprentissages.

1  L'apprentissage des conduites motrices

La notion de conduite motrice permet de prendre

en compte l'enfant dans sa globalité. Quand nous observons un enfant en situation d'apprentissage, nous ne percevons que l'extérieur sous la forme du mouvement, du geste. La conduite motrice définit aussi ce que l'on ne voit pas c'est‑à‑dire comment l’enfant a fait pour atteindre le but fixé par lui ou par l'enseignant.

a-  La notion de tâche motrice

La tâche motrice est l'unité centrale dans renseignement de l'activité motrice. Elle est l'objet même de la relation entre l'enseignant et l'enfant. Elle a pour objectif général de solliciter certaines ressources. Toute séquence d'éducation physique est élaborée à partir d'une ou plusieurs tâches motrices.

Toute tâche motrice est constituée de quatre éléments:

‑ un but représenté par ce que l'élève doit réaliser ;

‑ des opérations ou des règles nécessaires pour atteindre l'objectif fixé ;

‑ un cadre matériel (espace, matériel) ;

‑ des critères de réussite clairement énoncés. Il faut distinguer trois sortes de tâches motrices impliquant des fonctions différentes:

‑ les tâches définies dans lesquelles les quatre éléments sont précisés, nous sommes alors dans la pédagogie du modèle;

‑ les tâches non définies où seul le but est indiqué, nous sommes dans une pédagogie d'exploration, de découverte ;

‑ les tâches semi‑définies dont les opérations ne sont pas précisées, nous sommes dans une pédagogie de résolution de problème.

b- L'acte de traitement de l'information ou acte cognitif

Quand l'enfant est face à une tâche motrice que se passe‑t‑il entre l'information et la production de la conduite motrice?

Première étape : dans la prise d'information l'enfant doit utiliser avec efficacité ses différents moyens d'information (ses fonctions sensorielles et perceptives).

Deuxième étape:dans la prise de décision l’enfant planifie une conduite après avoir défini le problème en sélectionnant les paramètres pertinents.

Troisième étape : dans l'exécution et l'évaluation il répond à la tâche en produisant les actions. L'évaluation lui permet de savoir s'il a échoué ou réussi.

D'autres l'acteurs interviennent dans son engagement, comme son vécu corporel et affectif. Lors des deux premières étapes, qui sont invi­sibles pour nous, il puise dans ses ressources bio‑informationnelles, affectives et cognitives.

La dernière étape est la partie visible car c'est le mouvement.

Nous entr'apercevons le rôle déterminant du médiateur dont l'action portera sur la partie non visible, c'est‑à‑dire sur les processus d e fonctionnement produisant intentionnellement la conduite motrice.

Cette description montre que l'activité motrice se présente avec une double finalité qui vise des soirs et des savoir‑faire moteurs. E n même temps elle contribue à développer l'enfant dans sa globalité.

c-  Les relations entre la tâche, l'enfant et le médiateur

Le choix de la tâche est très important car il détermine la motivation de l'enfant. Nous savons que si l'enseignant choisit une tâche trop difficile ou trop facile, l'enfant n'adhère pas au projet, ne s'investit pas, n'agit pas ou dévie la tâche risquant de vouer l'apprentissage proposé à l'échec. Par contre, si l'enseignant choisit une tâche réalisable, permettant à l'enfant de se dépasser en rapport avec ses possibilités, cela le motive et il s'investit. Nous constatons ici la nécessaire prise en compte de la zone de proche développement, lors du choix de la tâche motrice. Mais pour obtenir l'engagement total de l'enfant, l’enseignant‑médiateur doit l'aider à comprendre le sens de la tâche qu'il aura à effectuer.

II le guide dans l'exploration de la situation, dans la conduite de ses actions, dans son évaluation ;il l'amène progressivement à prendre conscience de ce qu'il fait, de son fonctionne­ment affectif et cognitif. Par la médiation, l'enfant apprend en comprenant. Le pédagogue insiste sur les interactions relatives à la signi­fication. En donnant aux enfants des outils pour expliquer et pour comprendre, il contribue ainsi aux acquisitions langagières.

En effet, il apporte le vocabulaire nécessaire, non seulement à la lecture d e la situation mais aussi à la compréhension des processus mis en jeu pour que l'enfant puisse les expliciter Il lui explique aussi quels sont ses besoins.

Par l’échange l'enfant collabore avec l'enseignant‑médiateur. Il a besoin de cette interaction pour s'approprier le savoir, pour prendre conscience de ses actions. Ceci entraîne un développement, conjointement, du savoir moteur et de la maîtrise de la langue.

2  La notion de compétence

Depuis l995 les objectifs de fin de chaque cycle sont indiqués en termes de compétences à acquérir. Dans le programme de récole maternelle, trois compétences motrices sont visées:

‑ l'utilisation, à l'initiative de l'enfant ou en réponse aux sollicitations du milieu, d'un réper­toire aussi large que possible Actions élémentaires: courir, grimper, lancer, sauter, glisser, chuter, tirer, pousser, manipuler (compétence A);

‑ la réalisation, en sécurité, des actions dans un environnement physique proche et aménagé (compétence B).Il faut distinguer plusieurs risques que l'enfant aura osé affronter: le risque réel qui est sanctionné par la chute, le risque psychologique qui est représenté parle regard d'autrui et le risque proxémique qui est traduit par le contact avec autrui;

‑ la participation, avec les autres, à des activités corporelles d'expression, avec ou sans support musical, et à des jeux en respectant des règles simples dont il comprend l'utilité (compétence C);

Avant 1995 les contenus d'enseignement faisaient référence aux contenus des activités physiques et sportives. Nous étions dans une logique de transmission et de contrôle. Actuel­lement, nous sommes dans une logique de construction et d'évaluation, c'est l'analyse des compétences qui définit les contenus d'enseignement. Nous nous appuyons sur les pratiques pour proposer les savoirs constitutifs de la com­pétence à développer. Mais cela nécessite au préalable une analyse et une synthèse des activités physiques.

La compétence est « un savoir‑faire en situation qui intègre à fa fois des apprentissages pratiques, des contenus cognitifs, des attitudes et des motivations». Bien que la notion de compétence soit polysémique, cette définition met clairement en évidence le fait qu'une même situation d'apprentissage poursuit à la fois des objectifs spécifiques à l'activité (apprendre à glisser en patinage, à lancer une balle dans un cerceau, etc.), et des objectifs transversaux visant le développement de l'enfant (apprendre à identifier les paramètres d’une tâche motrice, à mémoriser, etc.). L'expression de « savoir‑faire en situation» ne peut être confondue avec le terme « savoir‑faire », car nous pourrions penser que seul l'agir compte en éducation, ce qui n'est pas le cas. Le comportement, donc l'agir, est nécessaire pour indiquer le résultat de l'apprentissage et pour être éva­lué. La compétence est un processus, non un état.

Dans un processus de construction du savoir le répertoire moteur se construit en même temps que la compétence L'enfant est impliqué dans une démarche de projet et il est associé à son évaluation.

a-  Les domaines d'action

À cinq domaines d'action correspondent cinq types de problèmes auxquels l'enfant va devoir répondre par une démarche adaptée. Le médiateur l'aidera à analyser le milieu dans lequel se déroule l'activité motrice afin qu'il puisse évaluer les difficultés pouvant intervenir. Confronté à une tâche motrice, l'enfant traite l'information provenant soit du milieu dans lequel il agit, soit des autres (camarades).

Les milieux d’actions

Les domaines d’actions

Les informations qui guideront l'action

milieu physique

environnement physique stable

environnement physique avec incertitude

Le milieu solide peut offrir des appuis stables ou des appuis instables (glisser, rouler, rebondir)

le milieu liquide offre des appuis fuyants ou progressifs

le milieu aérien l'absence d'appui

milieu humain

domaine esthétique et d'expression

domaine de coopération et d'opposition

domaine d'opposition interindividuelle

la communication (éprouver, échanger, juger

la coopération face à une difficulté

la coopération et l’opposition en confrontation collective

l’opposition duelle

D  UNE STRATÉGIE D'APPRENTISSAGE LA PÉDAGOGIE DE MÉDIATION

La situation éducative est à appréhender dans la complexité des relations qui s'établissent entre quatre variables :l'environnement (institutionnel, social) l'objet de l’apprentissage, l’enfant, l'enseignant‑médiateur, Anticiper la façon dont ces quatre variables vont interagir sera donc essentiel à l'enseignant pour définir la conduite du processus de formation de l'enfant et mettre en œuvre la pédagogie de la médiation en maternelle.

1  Le travail de préparation de l'enseignant‑médiateur

L'enseignant‑médiateur rend le savoir accessible, il choisit, identifie les tâches avec une intention déterminée et claire.

II définit et structure la compétence visée, il dégage et précise les éléments essentiels, les savoirs constitutifs (apprentissages pratiques, contenus cognitifs, attitudes et motivations) et le niveau de compréhension attendu.

II choisit et analyse l'activité support à travers laquelle la compétence sera enseignée, ne retenant que les éléments pertinents. Il construit les tâches motrices en s'interrogeant sur leur accessibilité par l'enfant, leur signification, leur présentation ;il fixe les critères de réussite dans une perspective d'auto‑évaluation. Ce travail de réflexion sur la situation d'apprentissage doit se concevoir dans une perspective d'échange et de co‑construction de sens.

«Le maître veille à ce que les connaissances se forgent tant par l'activité et son observation, que parla verbalisation de l'expérience et par son examen critique. » Il faut cependant être très attentif à ce que la séance d'éducation physique ne se transforme pas en une séance de langage, la dimension motrice doit garder toute sa valeur. C'est pour cette raison, qu’il faut «lui laisser le temps ». Si ce paramètre est occulté, l'enseignant ne donnera pas à l'enfant la possibilité d'expérimenter avec son corps, de mobiliser diverses fonctions et aussi de mieux s'approprier ce qu'il fait puisque le temps de ses actions sera restreint.

2  Tableau d'une situation d'apprentissage

Quand l'enfant est confronté à un apprentis­sage, ce qui est sollicité en premier, c'est sa motivation. Les facteurs conatifs précèdent les facteurs cognitifs. Sans l'adhésion de l'enfant à la tâche proposée, l'efficience sera faible et même nulle. Le choix des situations est très important si nous voulons que l'enfant s'engage.

E  DES REPÈRES POUR CONSTRUIRE LE PROJET EN ÉDUCATION PHYSIQUE

L'enseignant est celui qui conçoit les tâches motrices en prenant en compte d'une part les objectifs poursuivis et d'autre part les motivations, le rythme, les potentialités du moment de chaque enfant."

La stratégie d'apprentissage proposée (permettant un co-développement moteur et cognitif en s'appuyant sur le conatif ‑ affectif et relationnel) ainsi que les compétences motrices visées dans chaque domaine d'action, sont les éléments essentiels lui permettant de mener à bien sa mission.

Afin de guider l'enseignant dans la préparation des séquences, cet ouvrage précise:

‑les compétences visées dans des activités supports;

‑les spécificités et les enjeux de chaque activité support ainsi que le cadre matériel et l'or­ganisation pédagogique;

‑ les objectifs de chaque activité support par section;

‑les apprentissages pratiques avec leurs objectifs et des situations :il n'est pas question de faire réa­liser aux enfants toutes les situations et les jeux décrits, c'est à l'enseignant de choisir ceux qui sont à exploiter en fonction des enfants et des savoirs qu'il veut leur faire atteindre, (4 jeux peuvent suffire s'ils sont exploités suivant la démarche de médiation);

‑l'évaluation:un exemple de fiche concernant les apprentissages pratiques est présenté pour chaque activité support. Pour les attitudes et les méthodes, une même fiche est proposée sur tout le cycle. L'enseignant cochera les cases correspondant aux compétences transversales acquises par l'enfant;

‑ un exemple de séquence dans chaque section concrétisant la démarche pédagogique de médiation(souvent l'exemple d'une séquence en repré­sente en réalité plusieurs).

L'enseignant possède ainsi toutes les données pour construire le projet en activité motrice et les modules d'apprentissage. Cependant il n'oubliera pas qu'un projet en éducation physique ne doit occulter aucun domaine d'action, pour garantir un développement équilibré de l'enfant et l'enri­chissement de sa mémoire motrice; que la durée d'une activité est généralement d'une vingtaine de séances de 30 à 45 minutes. Sur une semaine, il est possible de mener cinq activités différentes, soit une par jour.

Intentionnellement, dans les exemples de séquences, nous avons mis l'accent sur la dimension cognitive et le rôle du médiateur. Mais l'enseignant‑médiateur ne doit pas oublier qu'en éducation physique l'action est essentielle. Il est là pour favoriser la construction des conduites motrices chez l’enfant. Claque compétence ne peut s'acquérir en une seule année avec u n module d'une vingtaine de séances. C'est pour cette raison que les activités supports (avec leurs fiches) sont traitées surtout le cycle de l'école maternelle. Mais il est tout à fait possible de commencer u n module d'une activité support en moyenne ou grande section. Dans ce cas il faudra se référer à ce qui est proposé en petite ou moyenne section. Il faut insister sur le fait qu'il ut préférable que chaque compétence soit déve­loppée par plusieurs activités supports si les condi­tions matérielles le permettent. Ainsi, si nous entrons dans la compétence C en prenant appui sur la lutte, nous utiliserons les acquis d'un module de jeu collectif ou d'un module d'activité gymnique (et réciproquement),en essayant de les enrichir.

Certes, les contenus permettent à l'enseignant de cibler les objectifs moteurs, mais l'important se situe sur la mise en oeuvre des processus de construction du savoir.

Rendre un enfant actif, c'est‑à‑dire capable d'expliquer pourquoi il a réussi ou pourquoi il n'a pas réussi, est le point essentiel de notre démarche pédagogique.

C'est l'amener vers une prise de conscience de son action, c'est l'aider à intérioriser, à abstraire, c'est lui ouvrir, pour l'avenir, la voie de la généralisation et du transfert.

Cela ne peut se faire sans l'action de l'enseignant‑médiateur.

Relations entre les domaines d'action, les compétences et les activités supports

Domaines d'action

Caractéristiques

Activités supports

Compétences

ABC dominantes

abc non dominantes

Environnement

Physique stable

· Environnement aménagé, standardisé.

· Efficacité mesurée au regard du temps et de l’espace.

· Faire plus. Faire moins

· Activités athlétiques

· Activités gymniques

· Activités aquatiques

A

BA

Domaine de l’esthétique et de l’expression

· Rechercher à communiquer par le corps des émotions, des sentiments

· Plaire, séduire

· Rondes et jeux chantés

· Expression corporelle

· Danse

C b

B A

C B A

Domaine d'opposition interindividuelle

· Affronter un adversaire

· Vouloir gagner

· Jeux d’opposition (lutte, judo…)

· Jeux de raquettes (tennis…)

C b

B A

C B A

Domaine de coopération et d’opposition collective

· Opposition de deux groupes nécessitant la collaboration entre les membres de chaque groupe

· Jeux collectifs (lancer, tir, poursuite, etc.)

C b A

Environnement physique avec incertitude

· Environnement

· Naturel. Non familier, sauvage

· Remise en cause de l’équilibre dans un tel milieu

· Adapter son comportement

· Orientation

· Patinage

· Activités aquatiques

· Bicyclette

· Escalade

b A

ou

A b