La danse, la gymnastique rythmique et l'acrosport sont des activités qui comportent de nombreux points communs. Elles sont toutes trois des activités de production de formes enchaînant des actions ou des figures corporelles sur un support sonore.
En effet, il s'agit de produire un effet et de communiquer des sentiments ou des émotions. Le produit de l'activité est destiné à être montré, vu et jugé. Son évaluation passe par le regard de spectateurs et/ou de juges. Les élèves doivent assumer différents rôles : danseur, gymnaste, acrobate, porté ou porteur, spectateur ou juge, chorégraphe.
Les enchaînements sont constitués d'actions ou de figures corporelles créées, puis choisies, et enfin mémorisées, de manière à pouvoir être reproduites. On recourt donc éventuellement à l'écrit, à la symbolisation, au codage. Il faut également prendre des repères spatiaux et temporels marquant notamment le début et la fin de la production.
La musique, le monde sonore incitent au mouvement, ils évoquent des ambiances et des sentiments, ils transforment le mouvement dans son dynamisme, son amplitude et son énergie.
Cependant, danse, gymnastique rythmique et acrosport diffèrent par leur utilisation des objets et du support sonore, par l'effet recherché dans les productions et leur évaluation, par la spécificité des problèmes que ces activités posent à l'élève. En effet, les engins font partie intégrante de la gymnastique rythmique, les accessoires sont possibles mais pas indispensables en danse et absents en acrosport. Le support sonore ainsi que l'effet recherché évoquent plutôt l'exploit en gymnastique rythmique et en acrosport et les sentiments ou les émotions en danse. Dans cette dernière, la musique n'est pas nécessairement présente. Alors que l'évaluation est soumise à un code construit en gymnastique rythmique et en acrosport, en danse, il n'y a pas de référence à un code, la production est soumise à l'appréciation subjective des spectateurs. Enfin, en danse, la difficulté tient pour l'élève à l'adéquation entre figure corporelle et communication d'un message, d'une émotion. En gymnastique rythmique, elle réside dans la synchronisation de l'action du corps et de l'action avec l'engin, dans le déplacement et la manipulation avec un engin qui doit être toujours en mouvement. En acrosport, elle se situe dans la réalisation de figures à plusieurs et la spécificité des rôles (porté, porteur et pareur) dans des conditions de sécurité optimales.
La danse, la gymnastique et l'acrosport font partie des activités décrites dans les programmes de 2002.
La danse, la gymnastique et l'acrosport correspondent à une même compétence : concevoir et réaliser des actions à visée artistique, esthétique ou expressive. II s'agit d'exprimer corporellement des personnages, des images, des états, des sentiments, des émotions, de les communiquer aux autres de réaliser des actions acrobatiques mettant en jeu l'équilibre (recherche d'exploit) ; et de s'exprimer de façon libre ou en suivant différents rythmes sur des supports sonores divers, avec ou sans engin.
La danse et la gymnastique rythmique sont citées comme activités de référence pour mettre en oeuvre des compétences dans les trois cycles de la scolarité. Bien que l'acrosport ne soit pas mentionné en tant que tel, l'activité peut être associée aux activités gymniques et acrobatiques ou à celles du cirque.
Les compétences communes aux trois activités sont :
Construire un projet d'action. Par exemple, au cycle I, imaginer ou proposer des actions ; au cycle 2, inventer et construire un mouvement dansé ; au cycle 3, composer un enchaînement en gymnastique rythmique
S'engager lucidement dans l'action et oser le faire en toute sécurité, contrôler ses émotions. Par exemple, au cycle I en gymnastique rythmique, risquer de perdre l'objet qu'on manipule ; au cycle 2 en danse, oser montrer aux autres sa prestation ; au cycle 3 en acrosport, donner et faire confiance au partenaire ;
Identifier et apprécier les effets de l'activité. Par exemple, au cycle I, savoir apprécier l'action des autres comme spectateur ; au cycle 2, donner son avis, évaluer une production selon des critères simples ; au cycle 3, identifier et décrire différentes actions en spécifiant la position du corps et des segments, découvrir et vérifier des règles d'action pour optimiser sa prestation ;
Se conduire dans le groupe selon les règles. Par exemple, au cycle I, participer activement à des actions collectives en écoutant, en coopérant ; au cycle 2, réfléchir à la meilleure façon d'agir et pouvoir aider un camarade ; au cycle 3, connaître et assurer plusieurs rôles (partenaire, spectateur, juge, pareur).
Pour guider les élèves dans leur apprentissage, l'enseignant doit opérer en trois temps. II doit d'abord faire agir, faire réussir, faire produire. Il offre un temps d'activité fonctionnelle suffisant et une diversification des pistes. Il crée un climat favorable aux tentatives, il sollicite, encourage et relance les enfants. Le plaisir, de nombreux essais, expérimentations et tâtonnements caractérisent alors l'activité des élèves. Ils sont danseurs,gymnastes, acrobates... L'enseignant doit ensuite faire analyser la situation, identifier les conditions de la réussite pour la stabiliser, réguler les actions pour progresser. Les situations choisies sont autant de problèmes à résoudre. Les élèves confrontent leurs solutions et en dégagent des règles d'action, vérifiant les hypothèses émises. Ils deviennent alors également spectateurs, chorégraphes, observateurs, juges. Enfin, ils doivent réinvestir les acquis dans des situations de production. Les enchaînements d'actions sont stabilisés. Ils sont prévus, mémorisés et répétés pour être montrés. Par exemple, en danse, traverser l'espace en enchaînant une course, un arrêt et une chute ; en gymnastique rythmique, lancer un ballon en l'air et faire un tour sur soi-même avant de le rattraper en acrosport, enchaîner trois figures statiques en duo avec des liaisons gymniques...
L'enseignant doit aussi s'appuyer sur les démarches des enfants pour apprendre. Tandis qu'ils imitent, comparent, procèdent par essais et erreurs, répètent, l'enseignant encourage les réponses prometteuses et aide les enfants à prendre conscience de l'action ou de la gestuelle la plus intéressante. En danse, l'accent peut être mis sur les dynamismes et l'énergie qui trans-forment le mouvement en gymnastique rythmique, sur l'amplitude de la trajectoire du ballon lancé pour laisser le temps d'une giration du corps (repères espace/temps) ; en acrosport, sur la synchronisation des déplacements et des figures statiques, donc sur l'anticipation posturale du duo et l'équilibre des appuis.
Pour rendre la danse, la gymnastique rythmique et l'acrosport accessibles à tous sans les dénaturer, il faut, en se référant aux pratiques sociales conçues pour et par les adultes, tenir compte des représentations des élèves et adapter ces activités au milieu scolaire. En effet, se référer aux pratiques sociales donne accès à la culture à visée sportive et artistique qu'elles représentent. Assister à des spectacles fournit des supports non négligeables aux apprentissages. Les enfants identifient ainsi leur activité scolaire et lui donnent du sens. Un élève de petite section fait danser le ruban, voler le ballon de baudruche, les plus grands réalisent des exploits en gymnastique rythmique, des lancers/rattrapers.
Mais il faut aussi tenir compte des représentations initiales des élèves, de leur mixité et de leur hétérogénéité. La classe est un milieu social vivant et dynamique constitué d'enfants vivant au quotidien des expériences motrices et artistiques diverses, avec des influences culturelles parfois opposées. Filles et garçons, enfants d'ici et d'ailleurs, n'ont pas la même sensibilité aux aspects artistiques, esthétiques et expressifs de ces trois activités, surtout à par-tir du cycle 3. Le plus souvent, les garçons valorisent davantage la prouesse corporelle et le défi physique que les filles, plutôt attachées à la maîtrise du mouvement. Toutefois, ces stéréotypes font l'objet d'une remise en cause à l'école. On joue donc sur tous les registres : le risqué, le maîtrisé, mais aussi le doux, le lent, le fluide et le tonique, le rapide et le saccadé. En gymnastique rythmique, on commence avec les garçons par l'exploit ; en danse, on favorise le mouvement par des entrées dynamiques ; en acrosport, on insiste autant sur le maintien des figures que sur le risque, afin d'éviter la peur tout en renforçant la sécurité.
Pour faciliter l'accès à l'activité, on varie les modes d'entrée et les supports sonores. La danse et la gymnastique rythmique ne sont donc plus considérées comme des pratiques féminines, mais comme des activités où filles et garçons peuvent exprimer largement leurs spécificités, leurs points communs et leur complémentarité. Les musiques doivent s'inspirer, particulièrement au cycle 3, de différentes cultures et offrir une pluralité d'entrées, un métissage sonore, rompant avec la plupart des représentations initiales. De la même façon, l'ouverture culturelle à travers les spectacles proposés participe à l'évolution des représentations des élèves.
Enfin, il faut adapter ces activités au milieu scolaire en conservant leur logique, en l'adaptant à l'âge des élèves et en se conformant aux exigences scolaires de formation et de mise en oeuvre.
Pour présenter l'activité en préservant son principe, il faut en identifier l'essence et la spécificité, afin de transformer les pratiques spontanées des élèves en contenus d'enseignement, d'articuler représentations initiales et logique de l'activité et d'opérer ainsi un traitement didactique et pédagogique de l'APSA.
Il est indispensable de considérer que les élèves ne sont pas d'éternels débutants et donc que l'apprentissage démarre dès la petite section. Ce qui suppose que les situations soient en relation avec l'activité physique sans la dénaturer, en préservant sa logique, mais également qu'elles soient traitées en fonction de l'âge des élèves, de leurs compétences motrices, cognitives et affectives.
Les contraintes de l'enseignant sont doubles. II doit gérer une pratique obligatoire, pour tous, et donc l'hétérogénéité, tout en tenant compte des intentions éducatives et des objectifs de l'école par le biais des enjeux de formation visés par les activités artistiques, expressives et esthétiques. Des repères concrets sont nécessaires pour aider l'enseignant à débuter une unité d'apprentissage, à faire évoluer les situations, à faire progresser ses élèves et à évaluer les acquis.
Dans cet ouvrage, nous proposons de définir pour chacune des activités :
sa spécificité en référence à sa logique interne. C'est-à-dire, du débutant à l'expert, les caractéristiques des espaces, des dispositifs, des relations et des rôles, de l'évaluation ;
les enjeux de formation ;
les exigences minimales de l'enseignant envers les élèves afin de s'assurer qu'ils évoluent dans le cadre de l'activité ;
des repères pour l'enseignant, tels que les modes d'entrée, les indicateurs de progrès, les éléments de comparaison entre les trois cycles de la scolarité, les choix qu'il doit opérer pour assurer la continuité des apprentissages d'un cycle à l'autre.
Quatre points sont essentiels pour assurer la continuité dans les apprentissages de chacune de ces activités.
• Dépasser le cadre ponctuel en construisant un véritable ensemble structuré d'au moins dix à douze séances pour une même unité d'apprentissage (l'unité est elle-même scindée en trois groupes: situations de début, de trans-formation et de fin d'unité). Par exemple, en cycle 2, en danse, une première unité portant sur les déplacements, les dynamismes, les vitesses ; en gymnastique rythmique, commencer par les exploits en solo et les défis par deux ; en acrosport, une première unité d'apprentissage centrée sur l'appropriation des règles de sécurité, sur l'élaboration de figures plutôt statiques et en duo.
• Articuler les unités d'apprentissage les unes aux autres pour élaborer un programme. D'un cycle à l'autre, d'une unité d'apprentissage à l'autre, les élèves doivent confirmer des progrès, développer des compétences, acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire dans des situations plus complexes. Par exemple, à la fin du cycle 2 en danse, ils composent un enchaînement de déplacements associés à des sauts, à des arrêts, selon des dynamismes différents sur un thème choisi. En gymnastique rythmique, ils construisent à deux un enchaînement constitué d'au moins trois déplacements différents et de trois exploits dans la manipulation de l'engin. En acrosport, enfin, ils construisent un court enchaînement de figures statiques en duo ou en trio avec des déplacements dynamiques de liaison.
• Tenir compte du temps de pratique réel. Bien que l'âge des enfants, leur maturité et leurs représentations soient déterminants dans la conception et la mise en oeuvre pédagogique, les acquis des classes précédentes sont tout aussi importants. Par exemple, une classe de cours moyen n'ayant jamais pratiqué l'acrosport parcourt les mêmes étapes dans l'apprentissage qu'une classe débutant en cours préparatoire, même si des solutions différentes sont trouvées par les plus grands et surtout plus rapidement.
• Proposer des situations qui s'emboîtent, qui explorent et approfondissent des pistes diverses. Il faut éviter de juxtaposer les propositions parce que les progrès ne se font pas de façon linéaire.
L'emboîtement des situations, leur articulation rend plus accessible la continuité des apprentissages. L'enseignant ne doit pas hésiter à exploiter au maximum une situation à partir des idées intéressantes des élèves, par le jeu des variables didactiques. Par exemple, en danse, une même proposition peut être réalisée à vitesse rapide, accélérée, décélérée et au ralenti. L'expressivité du mouvement s'en trouvera complètement transformée. On remarquera aussi des situations communes à plusieurs activités.
Enfin, nous proposons de considérer les intérêts et les enjeux ainsi que les écueils des productions, qui, pour être un mode d'évaluation privilégié, sont trop souvent envisagées uniquement comme une prestation finale. Nous présentons à la suite quelques pistes de rencontres interclasses.
Les situations et l'ordre dans lequel elles sont décrites dans les unités d'apprentissage des trois cycles ne sont qu'indicatifs. Elles supposent un certain vécu et une continuité dans les apprentissages. Ainsi pour une classe de CM1 ayant peu voire pas de pratique, l'enseignant commencera par des situations du cycle précédent.
Pour chacune des trois activités, nous proposons des morceaux de musique qui accompagnent la situation décrite. Ces indications chiffrées en couleur — en gras, les numéros des disques, en romain, les numéros des morceaux — renvoient à la discographie donnée à la fin de chaque activité (attention : nous avons renuméroté ces morceaux sans tenir compte du numéro de la plage sur le disque) . Si la totalité d'un album est intéressante, nous ne précisons pas de numéro de plage. Enfin, pour certaines situations, nous ne mentionnons pas d'accompagnement car celles-ci n'exigent aucun support musical.
Les programmes d'EPS parus en février 2002 (« Horaires et programmes d'enseignement de l'école primaire», Bulletin officiel, hors série n° I, du 14 février 2002) font tout particulièrement référence à la danse à travers la compétence: « Concevoir et réaliser des actions à visée artistique, esthétique ou expressive ».
Qu'il s'agisse de danse contemporaine, de jazz, de hip hop, de danses de salon, de danse aérienne ou acrobatique, de danse classique ou de danses collectives inspirées des folklores, toutes ces formes se trouvent actuellement de .plus en plus mêlées dans des créations de spectacles pluriels, au carrefour d'influences culturelles multiples.