Introduction
Afin que chacun puisse mettre en place une activité arts du cirque[1] au sein de son établissement, cet ouvrage se propose de répondre aux questions que se pose tout éducateur novice ‑ celui que nous étions il y a peu. Il nous a fallu aborder cette activité avec un regard différent de celui que l'on peut porter sur les autres activités physiques et sportives, car le jongleur, l'équilibriste, l'acrobate et le clown sont des « artistes » avant d'être des «sportifs».
Nous avons été ensuite confrontés à la réalité de tout art où la transmission des connaissances, des techniques et des tours de main[2] est confidentielle. Elle l'est peut-être plus encore dans le domaine des arts du cirque, où les saltimbanques sont restés très longtemps des errants, des « gens du voyage ». Le flambeau de la tradition se transmettait de père en fils, de maître à élève, avec le respect que l'un doit à l'autre[3]. Évidemment, des livres et des cassettes vidéo sur le cirque existent, mais deux écueils apparaissent: soit ces documents sont très techniques[4] et ils s'adressent d'emblée à des jongleurs déjà expérimentés cherchant à découvrir de nouvelles figures à réaliser, soit ils présentent une progression pour débutants[5]. Dans ce cas, l'auteur s'adresse au pratiquant et non à l'éducateur novice. Il s'agit, dans ces documents, d'amener un individu à découvrir la pratique des arts du cirque[6], et surtout du jonglage[7], et non d'initier un éducateur aux procédures « didactiques » susceptibles de favoriser l'apprentissage d'un groupe d'élèves.
Cet ouvrage présente les résultats d'un cheminement pratique et pédagogique. Nous avons progressivement découvert ces arts. Tout d'abord à partir d'une pratique personnelle qui nous a conduits de l'initiation au perfectionnement. Puis il nous a fallu construire un répertoire de situations et une démarche susceptibles de répondre à notre questionnement initial: comment aborder les arts du cirque dans le cadre scolaire?
Bien entendu, il ne s'agit pas d'enfermer les arts du cirque dans un document qui en épuiserait le sujet ou érigerait notre proposition en modèle. Notre contribution se veut particulière et subjective. Dans cette optique, elle aborde l'apprentissage des arts du cirque en milieu scolaire avec les a priori propres à ce champ d'intervention.
Enfin, cet ouvrage est une invitation à la réflexion pédagogique sur les arts du cirque. Il s'agit d'un outil que chacun peut, à son gré, faire évoluer en fonction de ses compétences, du contexte d'enseignement dans lequel il se trouve, ou encore des objectifs qu'il s'est fixés.
[1] GUY (J.‑M.), « Que sont les arts du cirque? », Arts de la piste, éditions Hors les murs, numéro spécial: « Cirques aujourd'hui », nos 21‑22, oct. 2001. Malgré l'ambiguïté de l'expression, J.‑M. Guy définit les arts du cirque comme «un ensemble fort lisp ate de compétences n'ayant souvent en commun que les où ils [les arts du cirque] se côtoient depuis plus de deux siècles. La plupart sont apparus bien avant l'avènement du cirque ‑ la jonglerie a au moins quatre mille ans. D'autres sont nés au cirque‑ le trapèze volant‑ ou n'ont pu se développer que grâce à lui, comme le dressage d'animaux sauvages par exemple. La liste des techniques des arts du cirque comporte plusieurs centaines d'items, correspondant souvent à l'agrès, l'appareil ou l'objet que requiert leur mise en oeuvre. Comment regrouper en grandes familles une telle diversité? Cela dit, les professionnels s'accordent généralement pour distinguer les arts du dressage, les arts aériens (trapèze, corde aérienne, etc.), les arts acrobatiques et d'équilibre, l'art clownesque et les arts de la manipulation. »
[2] GAQUIERE (R.), « Jongler à l'école », EPS 1, n° 58, mai juin 1992. Dans cet article introductif à la jonglerie, l'auteur pense que chaque engin, « de par sa spécificité, présente un truc de manipulation ». Nous pensons, en effet, que chaque engin, de par sa forme et les matériaux qui le constituent, possède une spécificité engendrant une technique de manipulation propre.
[3] JACOB (P.), La grande parade du cirque, Gallimard, 1992. Dans ce remarquable petit ouvrage, notre propos se trouve illustré, tout aussi bien par des gravures (p. 93 et 105), que par le récit de l'auteur
[4] DENIS (D.), L'art de la jonglerie, Strasbourg, Spectacle, 1989 (3 tomes). C'est un véritable traité de jonglerie
[5] CHAMBACHER (D.), Le diabolo de A à Z, Genève, jonglerie Diffusion SA, 1995. Ce livre permet d'accéder à un répertoire de figures simples ou complexes. Les figures présentées sont reprises et illustrées de façon plus vivante dans deux cassettes vidéo: Diabolo folies part 1 (1992) et Diabolo folies part 2 (1993), Genève, Jonglerie diffusion
[6] Le cirque est défini comme « l'enceinte, le plus souvent circulaire et couverte, où se donnent des spectacles équestres, acrobatiques, etc. C'est en Angleterre qu'a pris naissance le cirque moderne. L'écuyer anglais Philip Astley (17421814) a l'idée de rendre spectaculaire des exercices classiques de manège en les enjolivant de prouesses fantaisistes. Il se fixe à Londres (1770), sur un terrain qu'il cerne de gradins et de barrières (...) et ajoute à l'équitation des numéros d'acrobates, de dresseurs et de pitres ». D'après le Grand Larousse en cinq volumes (1991).
[7] Le jonglage est « la technique manuelle du jongleur de cirque ou de l'antipodiste » consistant à « lancer en l'air, rattraper et relancer avec adresse, les uns après les autres ou simultanément divers objets », d'après le dictionnaire Grand Larousse, 1991. La jonglerie est l'«art du jongleur ou l'action de jongler