Les arts du cirque

Quels rapports les arts du cirque entretiennent ils avec les nouvelles formes de pratiques physiques et sportives ?

Quel impact le renouveau du cirque a‑t‑il sur les arts du cirque?

Existe‑t‑il différents domaines, différentes disciplines dans les arts du cirque?

I.     Cirque traditionnel et «nouveau cirque»

La remise en cause de certaines conventions traditionnelles du cirque, par quelques troupes dans les années 70‑80, a permis un renouveau des arts du cirque. Depuis plusieurs années, le «nouveau cirque» est à l'honneur à l'espace chapiteau du parc de la Villette. Les cirques, tels le cirque Plume mais aussi bien d'autres, présentent des nouvelles créations qui suscitent intérêt et enthousiasme. Cet élan se retrouve dans des manifestations telles « la Jongle des villes », le festival de jonglerie de Malakoff (au Théâtre 71) qui voient évoluer des artistes entre « habileté et folie »[1] Mais, plus généralement, ce besoin, chez les jeunes (et les moins jeunes), « d'activités du corps » qui génèrent en un même espace « jeu, recherche de convivialité, expérience initiatique et mobilité physique »[2] semble trouver ici une expression particulièrement adéquate. Il nous apparaît que les arts du cirque sont à l'interface des activités « fun » et des « sports de rue » : ils offrent la possibilité de vivre « la glisse, l'émotion, le libre arbitre et la connivence»[3], tout en confrontant l'artiste au défi, au besoin d'identité et au désir de réappropriation de la rue comme espace ludique.

Cirque traditionnel ;

Nouveau cirque

La scène est la piste qui Se trouve au centre du chapiteau

La  scène n'est pas forcément la piste ronde du cirque

Le spectacle est une suite de numéros sans rapport les uns avec les autres

Le spectacle fait appel à un scénario, on met en scène une histoire

Les artistes sont des spécialistes d’un (ou de quelques) engin(s) ou technique(s)

La polyvalence des artistes est mise au service du scénario

L’émotion naît de l’exploit : de la prouesse ou du danger

L’émotion est souvent visuelle : elle naît du jeu, de la chorégraphie

Les animaux sont très présents.

Il n’y a pas ou peu d’animaux

L'aspect le plus novateur du « nouveau cirque » réside dans ce lien qu'il tisse entre théâtre, cirque et danse. Comme au théâtre, le spectacle développe une unité autour d'un thème ou d'une histoire jouée par des personnages. Comme en danse, l'artiste intègre la dimension esthétique de son numéro en offrant aux spectateurs de véritables chorégraphies. Au cirque québécois du Soleil, pas de vedette: les individus sont au service d'un scénario, la magie surgit du tout. «Avant chaque spectacle, remarque Jean Héon, le metteur en scène réunit les costumiers, les décorateurs, les machinistes, les électriciens, pour en fixer les bases définitives. Un peu comme pour un show à Broadway. Show, cirque, théâtre, les mots recèlent des concepts différents à première vue. Une même ambition réunit cependant les créateurs: s'exprimer dans l'espace, imaginer un monde ».[4]

Cette « voie de la fusion des arts »[5] adoptée par le cirque demande de nouvelles compétences: les artistes doivent être polyvalents, tout en développant le jeu d'acteur, afin de créer et d'interpréter des personnages sur scène. Pour cela, le mode de transmission du savoir a évolué. «D'un enseignement familial autarcique, exclusif, initiatique, on est passé à une activité ludique dispensée dans plus d'une centaine d'écoles, et même si moins de un pour cent des élèves se destinent réellement à une carrière artistique, l'enseignement permet à l'enfant d'acquérir des outils d'expression et de lui ouvrir les portes de la créativité. »[6] La créativité exige néanmoins, le respect de certaines conventions afin que le cirque ne perde pas son âme. Même si quelques exceptions existent, la piste est toujours ronde au cirque nouveau ou traditionnel, les artistes partagent encore leur vie entre le montage du chapiteau, la prise de risque et la route. Enfin, les spectacles mettent toujours en scène les disciplines traditionnelles de la piste, même si les aspects sont multiformes. En introduisant « dans un même spectacle, des éléments tirés de l'environnement culturel et social de son époque »,[7] le nouveau cirque ne fait que réinventer le cirque moderne d'Astley de 1768. L'innovation ne serait‑elle pas alors, qu'une illusion due à l'introduction de musiques, médias ou pratiques sportives contemporaines et une interprétation ayant pour modèle la poésie[8]... ?

Le cirque traditionnel, quant à lui, est en transformation vers une recherche de l'authenticité qui lui fait abandonner la poursuite systématique du toujours plus dangereux pour aborder sa propre histoire et ses origines comme thème majeur des spectacles. «Mêlant le sentiment du beau à la sensation du danger, le cirque résume le passage historique du héros à l'artiste, tout en maintenant l'inscription du mythe dans le rite. »[9]

II.   Quatre grandes disciplines en arts du cirque

Dans ce nouvel espace où les émotions peuvent naître d'un mouvement, d'un costume, d'une mise en scène et non plus seulement d'un exploit ou d'une prouesse technique, les arts du cirque semblent avoir trouvé leur second souffle. De ce vaste domaine, quatre grandes disciplines peuvent être abordées en milieu scolaire. Nous en distinguerons quatre :

le jonglage, l'équilibre, l'acrobatie et le jeu d'acteur.

LE JONGLAGE manuel consiste en la manipulation d'objets divers et traditionnels du cirque, afin de les faire virevolter sur un modèle de performance ou dans un but artistique et poétique

L'ÉQUILIBRE se pratique seul ou à plusieurs sur des engins mobiles ou fixes, pour se déplacer en réalisant des figures ou en jonglant

L'ACROBATIE aérienne ou au sol comporte des techniques avec et sans agrès et se pratique souvent avec un partenaire. Dans ce cas, l'un des artistes joue le rôle de porteur afin que l'autre puisse voltiger. Les enseignants d'EPS connaissent assez bien cette discipline, notamment dans le cadre de l'acrosport.

Enfin, nous avons souhaité aborder la notion de JEU D'ACTEUR, qui est une initiation et une introduction à la pantomime et au travail de clown avec nez.

Si l'acrosport fait l'objet d'une bonne documentation [10], il semble qu'il n'en est pas de même pour le jonglage[11] et l'équilibre, même si quelques articles ont déjà été publiés. Le jeu d'acteur, concernant le jeu sur scène (utilisation de l'espace scénique, travail en présence de spectateurs, travail de l'improvisation, expression corporelle), est traité dans plusieurs ouvrages[12], mais le travail de construction d'un numéro est peu abordé. Ce constat nous a engagés à développer, des propositions pédagogiques axées sur le jonglage et la jonglerie, l'équilibre et le jeu d'acteur. L'acrobatie peut être facilement travaillée à partir de l'acrosport. Néanmoins, il faut différencier l'acrosport (pratique acrobatique à deux, avec porteur et voltigeur) et l'acrogym (pratique gymnique où seuls les éléments gymniques sont retenus), qui reste purement gymnique



[1]       BERNARD (L.), « Iris, entre habileté et folie », Le Figaroscope, semaine du 4 au 10 juin 1997. Cet article présente la prestation d'Iris, bateleur et jongleur, lors du deuxième  festival de jonglerie contemporaine de Malakoff

[2]       Dans le cadre d'un entretien avec Martine Segalen, la Revue ERS n° 256 (nov.‑déc. 1995) présente les travaux de l'auteur relatifs à l'engouement pour la course à pied urbaine. Cet article fait suite à la publication de son livre: Les enfants d Achille et de Nike ‑ Une ethnologie de la course à pied ordinaire, Métaillé, 1995.

[3]       LONET (A.), « La révolution du sport des annéesfun. Génération glisse. Dans l'eau, l'air, la neige », Revue ERS, n° 253, mai‑juin 1995. L'auteur y expose les grands traits de l'évolution du sport qu'il avait développés dans son ouvrage du même titre aux éditions Autrement, n° 155‑156 (avril 1995).

[4]       MACHTOU (É.), « La bouffée d'oxygène », Marie France, mars 1990, p. 160.

[5]       LACHAUD U.‑M.), « Le cirque contemporain entre collage et métissage », in Guy (J.‑M.), Avant‑garde, cirque! Les arts de la piste en révolution, n° 209, nov. 2001. L'auteur analyse le cirque comme « un genre attrape‑tout qui juxtapose les arts »dans lequel les compagnies d'aujourd'hui « visent l'ceuvre totale et plurielle, impure et singulière ».

[6]       FORETTE (D.), «Les arts de la piste: une activité fragile entre tradition et innovation », in Rapport pour le conseil économique et social, 1998.

[7]       MALEVAL (M.), « L'épopée du nouveau cirque », in Guy U.‑M.), Arts de la piste, 2001, p. 46. L'auteur nous rappelle que les cirques Plume, Archaos, cirque Baroque sont « parmi les pionniers du nouveau cirque » car ces troupes <.ont mis en cause les conventions à la fin des années 1970. Ces agitateurs cherchent alors, non plus à réaliser des spectacles faciles de divertissement, mais à élaborer des ouvres. Le nouveau cirque représente une mutation primordiale dans l'histoire des arts de la piste ».

[8]       GUY U.‑M.), «L'art de la jongle, de l'individuel au collectif», in Arts de la piste, 2001..

[9]       WALLON (D.), « Le cirque entre convention et création », in Artpress, numéro spécial: « Le cirque au‑delà du cercle », n° 20, 1999.

[10]      BEUZELTN (D.) et DELANNET (M.), L'acro‑sport‑ une innovation en milieu scolaire, Association des Enseignants d'EPS, 1987. Il s'agit d'une publication présentant les réflexions d'enseignants en éducation physique et sportive suite à un stage professionnel. Il faudrait aussi consulter l'ouvrage de Catherine Huot‑Monétat et Myriam Socié, Acrosport (Éditions Revue ERS, 1998). 18 FERRE (H.), «La jonglerie pas à pas», Revue, EP.S, n° 210, mars‑avril 1988

[11]      FERRE (H.), «La jonglerie pas à pas», Revue, EP.S, n° 210, mars‑avril 1988

[12]     HEXTT, (A.) et MEGI2TEL2 (D.), Entraînement à l'improvisation théâtrale. 60 exercices commentés à partir de 8 ans, Retz, 2001. Des mêmes auteurs, Entraînement théâtral pour les adolescents. Expression corporelle et développement de la personnalité à partir de 15 ans, Retz, 2001. Lire également: DENIS (D.), Le livre du clown, Éditions du spectacle, 1994