Chapitre 4  - Contenus d'enseignement

Comment organiser un cycle de séances? Comment choisir le matériel d'arts du cirque en milieu scolaire? Quels principes et quels fondamentaux organisent la pratique pour chaque engin utilisé? Quelles situations mettre en place? Quelles remédiations programmer face aux problèmes d'apprentissage?

A.  Comment construire un cycle ?

Pour élaborer un cycle en arts du cirque, il nous paraît nécessaire de proposer dix à douze séances d'une heure, à raison d'une à deux séances par semaine.

Le cycle se compose de deux parties. La première tranche de cinq séances doit permettre de manipuler tous les engins sans exception, sous forme de jeux et d'ateliers consacrés à la maîtrise technique. Les cinq séances suivantes sont destinées à préparer le numéro que chaque élève devra présenter. Pendant ces séances, le travail en autonomie est privilégié et le perfectionnement technique porte sur deux engins seulement.

Dès la première séance, le contenu et les objectifs du cycle sont présentés aux élèves: le but final consiste à réaliser un numéro devant un public, sur une scène, avec un support musical, en utilisant les techniques d'arts du cirque apprises durant le cycle. La tenue vestimentaire peut, comme pour toute séance d'EPS, se limiter au survêtement et au baskets. On peut cependant sensibiliser les élèves au costume en leur demandant de porter une tenue ample (permettant tous types de mouvements) et des ballerines (pour faciliter la prise d'informations kinesthésiques au niveau des pieds).

B.  Proposer différents types de séances

Un échauffement est proposé pour chaque séance. Celui‑ci peut être structuré au niveau spatial en plaçant les élèves en cercle pour symboliser la piste. Les exercices et les mobilisations segmentaires sont classiques à tout échauffement. Néanmoins, l'intégration de situations de mime, de relaxation et de travail de la voix permet, dès le début, de mieux situer la séance dans le contexte des arts du cirque.

Après l'échauffement, il s'agit de construire la séance en tenant compte des caractéristiques des élèves

‑ si l'un des buts est de faire acquérir de nouvelles habiletés, nous proposons des séances comportant des consignes structurelles où les exercices sont à réaliser dans un ordre déterminé. La manipulation des différents engins peut être abordée sous la forme d'ateliers. Il faut alors prévoir six à huit ateliers avec cinq à sept élèves par atelier qui « tournent » toutes les cinq minutes;

‑ si les élèves maîtrisent les fondamentaux, nous leur proposons des situations pédagogiques aux cours desquels les tâches motrices changent constamment (voir « fiches pédagogiques », p. 31‑85). Durant ces séances, les groupes restent les mêmes (cinq à sept élèves) et « tournent » sur cinq à sept ateliers;

‑ enfin, lors des séances de préparation des numéros, chaque leçon est organisée autour d'un thème de travail spécifique devant permettre aux élèves d'accéder à la libre création. La pratique est alors autonome, dans un cadre déterminé.

C.  Entretenir le matériel

L'utilisation du matériel doit absolument répondre au double critère du respect et de la sécurité.

En effet, les chutes répétées altèrent rapidement les engins et nous conseillons fortement de veiller au choix du lieu de la pratique et à la nature de son sol. On exclura d'office l'entraînement en extérieur sur revêtement gravillonné. Il est fortement recommandé de placer des tapis sous les jongleur afin de protéger l'engin lors de sa chute. D'autre part, si le matériel traîne au sol, les élèves risquent de le briser en se déplaçant. Il faut donc exiger des pratiquants qu'ils rangent le matériel après chaque utilisation (même si celle‑ci est de courte durée) en un lieu défini au préalable. Cette dernière remarque peut paraître superflue, mais l'expérience enseigne que, très fréquemment, des bâtons du diable sont ainsi mis hors d'usage. Enfin, l'enseignant veillera à limiter certaines initiatives: par exemple les interventions des élèves sur les vis de serrage (tubes de selles des monocycles ou des prolongateurs). Nous avons, là aussi, constaté des manipulations susceptibles de produire des accidents ou de briser des fixations des prolongateurs.

D.  Veiller à la sécurité ‑

En arts du cirque, comme dans la plupart des activités physiques, le risque d'accident dépend des relations entre trois principaux facteurs

‑ le niveau de pratique des élèves; ‑ le type d'engins utilisés;

‑les formes d'apprentissage mises en oeuvre. La plupart du temps, les activités d'arts du cirque ne se révèlent pas particulièrement dangereuses: si l'on considère le jonglage avec des balles, le risque de se blesser reste bien improbable.

Dès que l'on passe au jonglage avec anneaux et massues, la probabilité de se faire mal en les recevant sur la tête ou sur les doigts existe. L'enseignant doit notamment être vigilant en début d'apprentissage, lorsque les élèves maîtrisent encore mal les engins.

Lorsque l'on aborde le travail avec les engins d'équilibre, l'activité devient acrobatique. Des règles de sécurité, des mode de gestion et des formations doivent être mises en place

‑ initiation aux procédures de réchappe (en cas de chute de l'engin);

‑ organisation des aides et des parades par les élèves eux‑mêmes;

‑ consignes d'utilisation du matériel, des tapis (ou « chemins de tapis ») ;

‑ respect des sens de circulation et délimitation des zones d'évolution;

‑ détermination des compétences requises pour accéder à certaines tâches ou situations avec ces engins.

Autant de précautions à mettre en oeuvre et à faire respecter dans un souci de sécurité et de formation. Dans cette optique, nous pensons que de véritables séances d'apprentissage sur la sécurité doivent être mises en place dès le début du cycle. Une chute non maîtrisée en rolla‑bolla peut être lourde de conséquences et entraîner des fractures. Les chutes d'engins tels le monocycle ou la boule chinoise sont aussi préoccupantes, surtout lorsque les élèves ont acquis une relative autonomie et pensent maîtriser parfaitement l'engin. Si les systèmes de fixation des tiges de selle (ou des prolongateurs) sont mal orientés sur les monocycles, il est possible de se couper ou de se faire des plaies (aux doigts et aux cuisses) en chutant ou en utilisant l'engin. Il faut donc s'assurer que les techniques de chute sont maîtrisées et que les pratiquants les mettent en oeuvre de façon volontaire et préventive, sans attendre d'être surpris.

De notre point de vue, toute activité liée au feu est à proscrire en milieu scolaire

massues (ou torches), diabolo et bâton du diable (ou bâton de feu) inflammables, etc. Les risques encourus imposent un ensemble de précautions tout à fait spécifiques dont la mise en oeuvre est rendue pratiquement impossible par les conditions de gestion des groupes à l'école. De telles pratiques n'ont pas leur place au collège et ne peuvent être abordées que dans les formations spécifiques au cirque, au même titre que les couteaux à jongler, les gants et les balles de feu, ou encore la technique du cracheur de feu.

E.  Présentation des trois familles: jonglage, équilibre, jeu d'acteur Le jonglage

Nos propositions s'appuient sur l'intime conviction qu'il faut donner les repères essentiels aux élèves dès le début de l'apprentissage afin qu'ils sachent comment et dans quelles directions orienter leurs essais. Ces repères doivent être de nature sensorielle (visuels, auditifs, kinesthésiques) pour accompagner l'orientation du regard, le cadencement du geste, le toucher de l'engin, etc.

Il ne faut jamais perdre de vue qu'il est impératif de travailler chaque habileté autant d'une main que de l'autre, pour que s'installe progressivement une nécessaire ambidextrie.

Les engins de la famille du jonglage:

• les balles;

• les anneaux (ou cerceaux plats);

• les massues;

• l'assiette;

• le bâton du diable;

• le diabolo.

F.   L'équilibre

Cette famille regroupe des situations d'équilibre spécifique et de recherche de stabilité. Les élèves vont devoir monter sur des engins instables et parvenir à se déplacer en luttant constamment contre un déséquilibre qu'ils n'ont, pour la plupart, jamais expérimenté. L'enseignant doit avoir continuellement à l'esprit les principes et les règles de sécurité qui régissent l'utilisation de tels engins. Il devra donc prévoir les risques encourus et structurer sa classe en conséquence.

Les engins de la famille de l'équilibre

• le rolla‑bolla (ou rouleau américain);

• la boule chinoise (ou boule d'équilibre);

• le monocycle.

G.  Le jeu d'acteur

Maîtriser des techniques de jonglage ou d'équilibre est un préalable à leur mise en scène devant un public. Les techniques artistiques telles que la danse, l'expression corporelle, et surtout le jeu d'acteur, doivent permettre aux élèves d'aborder l'entrée en piste dans les meilleures conditions. Ce travail doit être collectif, en respectant la « bulle » que chacun a construit pour « se protéger » des autres. On débutera donc ce travail sans public ni spectateur, en demandant la participation de tous, y compris celle de l'enseignant. Le regard du spectateur sera introduit progressivement, en veillant à ce qu'aucun jugement de valeur ne soit émis. L'élaboration de ce travail sera grandement facilitée si l'on y introduit systématique des exercices ludiques lors des échauffements. On peut utiliser à cette fin le mime de divers déplacements (animaux, comiques célèbres, etc.) ou celui des gestes quotidiens qui fournissent une grande variété de situations.

Développer le jeu d'acteur et s'initier à la mise en scène exige peu de matériel spécifique. L'essentiel est dans le regard: ce que je vois et ce que je donne à voir. L'espace privilégié est donc la piste de cirque de treize mètres de diamètre, qu'il est facile de matérialiser avec des plots. La séance commence lorsque les élèves sont installés dans cet espace circulaire.

On peut utiliser les miroirs des salles de danse ou de gymnastique pour travailler certaines expressions, certaines attitudes.

Dans les pages qui suivent, nous traiterons successivement des trois familles (ou disciplines) des arts du cirque que sont le jonglage, l'équilibre et le jeu d'acteur. À l'intérieur de chaque famille, la présentation des différents engins débouchera sur un panel de situations pédagogiques abordées sous la forme de jeux.

• Pour chaque engin utilisé en jonglage et en équilibre, nous proposons des critères de choix afin d'équiper une classe. Certains sont à proscrire en milieu scolaire, d'autres sont incontournables, et parfois ils peuvent être fabriqués par les élèves ou l'enseignant. Ces conseils sont précédés d'une description de l'engin permettant une utilisation optimale dans le cadre scolaire.

• Tout particulièrement pour le jonglage, il nous a semblé important de présenter les premières figures « classique » qu'un élève peut réaliser quand il maîtrise les fondamentaux. Dans un objectif de perfectionnement le lecteur pourra trouver de nombreuses autres figures dans les manuels de jonglage (voir bibliographie).

• Enfin, nous proposons des jeux permettant de travailler des situations motrices particulières. En cas d'échec et difficultés, des remédiations permettent de résoudre les problèmes posés.